Résumé : Hushpuppy, 6 ans, vit dans le bayou avec son père. Brusquement, la nature s'emballe, la température monte, les glaciers fondent, libérant une armée d'aurochs. Avec la montée des eaux, l'irruption des aurochs et la santé de son père qui décline, Hushpuppy décide de partir à la recherche de sa mère disparue.
Mon Avis : Voici un film étonnant qui ne ressemble à rien de connu. A une époque où les cinéastes ont parfois du mal à créer des situations et surtout des atmosphères nouvelles, Benh Zeitlin, jeune cinéaste qui au moment du tournage n'avait pas encore trente ans, a réussi un pari impossible. Et pourtant nulle préméditation apparente, nul désir de donner dans le sensationnel : ce film est un morceau d'humanité et c'est déjà beaucoup. Certes l'évocation de la misère la plus profonde peut être sujette à caution : le réalisateur est-il sincère? Ne va-t-il pas forcer le trait en versant dans le misérabilisme avec violons à l'appui en guise de bande sonore? Eh bien non! Rien de tout cela. Ni misérabilisme, ni violons, ni appel à l'émotion facile. L'histoire de cette petite fille du bayou, Hushpuppy, élevée à la dure par un père qui est loin d'être un ange, nous conduit à partager le quotidien d'un groupe d'irréductibles vivant en marge de la société, sous la menace d'un ouragan dévastateur. Le réalisme est au menu, et l'image de ce renard éventré que découvre la petite fille en est comme un terrible symbole. Certes on pourra objecter que le réalisateur nous transforme en voyeurs, ce qui du reste n'est pas nouveau au cinéma. On pourra même éprouver un malaise face à cette misère sans fin, surtout si l'on appartient à la classe de ceux qui ont réveillonné sans scrupule. Mais il est bon aussi de rappeler que les Etats-Unis ne se réduisent pas à l'American Dream, à savoir des orgies de consommation pratiquées au nom de l'argent toujours roi. Ici la catastrophe qu'a vécue La Nouvelle-Orléans est plus suggérée que montrée. C'est que le film est un hymne à la Louisiane et à ses populations miséreuses. Benh Zeitlin est tombé amoureux du bayou et de son existence lacustre. En témoignent bien sûr les images, souvent véhiculées par une caméra mobile, mais aussi la musique où la country se dispute au jazzy. Et puis il y a une petite merveille en la personne de Quvenzhané Wallis qui, du haut de ses six ans, impose sa personnalité tout au long du film. Souhaitons-lui la carrière qu'elle mérite, à condition bien sûr qu'en grandissant elle demeure fidèle à elle-même et ne se laisse pas affadir par des producteurs peu scrupuleux.